THEATER 2018
Avec Theater, nous sommes invités à réfléchir à l’instrumentalisation qui peut être faite de la représentation du corps. Pendant longtemps, sous l’effet de la pensée chrétienne, depuis le Moyen Âge jusqu’au retour du classicisme, le corps n’est pas représenté pour être admiré, contemplé mais pour faire naître chez le « spectateur » un sentiment de compassion. Car il s’agit bien d’un spectacle qui est joué ici : l’image produite par le sculpteur, un Christ mort, est organisée, orchestrée, théâtralisée. La carnation blafarde du corps, sa posture qui est celle de l’abandon face à la mort, la présence des stigmates de la passion jusqu’aux tentures qui rappellent des rideaux de théâtre, tout dit l’organisation et la manipulation des sentiments du regardant par les commanditaires d’une telle œuvre. Paolo Topy va jusqu’au bout de sa logique et de sa stratégie. Il donne à sa proposition l’aspect d’une simple « photo », d’un cliché comme pourrait le faire n’importe quel touriste passant dans le lieu où est exposée cette sculpture. Ici, il fait « œuvre » par la lecture et la déconstruction critique d’un phénomène et par l’intention affichée de partager sa réflexion qui, dans ce cas, prend l’allure d’une critique certes acerbe mais amusée. Techniquement, il use d’une neutralité totale, en réduisant l’acte photographique à sa plus simple expression. Il laisse ainsi à celui qui regarde sa proposition, au contraire du programme sous-jacent à cette sculpture, la possibilité d’ouvrir les yeux sur une évidence qui a valeur, aujourd’hui, de réalité historique. Débarrassée de toute filouterie, l’image dans l’image gagne une clarté qui est celle de la pureté naïve de ces générations qui sont venues se recueillir devant elle. Une autre occasion de rencontrer l’autre.
Yves Peltier