MOHAMED 2012
Mohamed est un portrait à l’apparence tranquille, empreint d’une grande et tendre douceur, d’un sans domicile fixe et, au travers lui, d’une humanité bafouée. Le sujet nous montre du doigt un petit tatouage sur son avant-bras. Ce geste s’inscrit dans une longue tradition en faisant référence à l’incrédulité de Saint-Thomas. Il nous invite à une intimité partagée spontanément, dans l’instant, mais aussi à ne pas être dupes. Cette image est bien une réalité d’aujourd’hui. Le corps, ici, exprime puissamment l’expérience vécue par cet homme mais aussi par l’artiste qui l’a rencontré et accompagné : une expérience que ce dernier a la volonté de partager avec nous. Il s’agit d’une représentation désenchantée du corps qui dit la souffrance, l’humanité du sujet. Ce portrait révèle un corps fragile, malmené par la vie, un corps qui apparaît soudain comme une évidence parce qu’il dit l’autre, parce qu’il « est » l’autre. L’autre après, après que nous l’avons accepté dans l’idée que nous nous faisons de l’humanité, de notre propre humanité. Paolo Topy, au travers de cette image, élargit le sens de la représentation à un phénomène plus global : celui de la précarité et de l’exclusion. Il nous prend à témoin d’un problème – une réalité sociale dramatique – que nous ne pouvons regarder avec incrédulité ou ignorer et qui doit éveiller chez le citoyen que nous sommes, non pas de la compassion mais de la conscience politique. C’est-à-dire, la volonté d’agir ensemble au travers de la mise en place d’une réponse commune aux défis qui se présentent à nous en tant que société humaine.
Yves Peltier