GIFT 2015
Cette œuvre nous donne à voir un simple vase avec quelques coquelicots sur un fond de gazon. Il s’agit d’un de ces bouquets tous prêts à offrir que l’on trouve, aujourd’hui, aisément et pour très peu cher dans des boutiques d’articles cadeaux. L’image est ambiguë. La verticalité du récipient est due à la position de l’artiste au moment de la prise de vue. En y regardant d’un peu plus près, nous remarquons que le vase est en plastique et qu’il ne contient pas d’eau, cet élément essentiel à la vie, non pas parce qu’il est posé ou plutôt renversé à même le sol mais parce qu’il n’y en a jamais eu. Les fleurs sont artificielles. Elles n’en ont pas besoin. Ce qui fait, au-delà de leur forme et de leur couleur, la beauté des fleurs de coquelicot, c’est à dire leur brève durée de floraison, leur extrême fragilité n’a été perçu par le fabriquant que comme un problème à résoudre. Son défi ? Offrir à la vente toute l’année et à un prix attractif lui permettant de dégager un maximum de marge, des fleurs à la floraison normalement exclusivement printanière, résoudre les problèmes de stockage, de manipulation et de distribution. Un challenge qu’il a su relever avec brio. Sa performance est, en fait, un véritable désastre. Cette image nous interroge sur notre relation à la nature. La valeur symbolique et surtout marchande de ce bouquet, un objet à offrir, a pris le pas sur la valeur même de la nature, de la vie. Une nature, une vie qui n’a pas de prix tant elle est brève et fragile, justement et que quelques coquelicots aperçus au bord d’un chemin symbolisent à merveille. L’émerveillement et l’émotion provoqués naturellement avec de modestes fleurs s’effacent ici devant l’admiration un peu sotte que l’on peut ressentir pour une telle performance technique. Dans cette image, la vie s’est réfugiée dans ce qui ne semblait au départ qu’un simple fond, un simple décor. Nous la retrouvons, bien réelle, au travers de ce gazon dont la vocation est d’être piétiné et qui constitue l’arrière-plan de l’image. Chacun de ces brins d’herbes, aussi modeste qu’il soit, a plus de valeur que n’importe quel bouquet artificiel aussi séduisant qu’il puisse être.
Yves Peltier